Une apparence potentiellement passe-partout. C'est ainsi qu'on pourrait me décrire sans trop de mal. Alors, certes, je ne suis pas une beauté éblouissante. Je suis cependant loin d'être repoussante. Une jolie brune, de 1m60 au visage rond, fin et plutôt engageant. Un physique élégant, au port altier et noble dut à mes origines, forcément, le tout agrémenté de courbes plutôt légères et fines tout en demeurant agréables à l’œil. Je pense pouvoir étonnement dire que je possède le physique de l'emploi. Un sourire attrayant et affable qui sait attirer à lui les informations, un regard noisette pétillant et expressif, capable d'analyser aisément les situations et s'y adapter selon l'occasion. Tout à la fois agréable et discrète, l'espionne en moi est capable de se mettre en situation rapidement et aisément. Cela est dut à l'entrainement physique - surtout l'escrime - qui a su galber et tonifier mon corps afin de le rendre réactif. Capable de séduire ou de demeurer pratiquement invisible, selon le moment... Je peux être le centre de l'attention comme une ombre mouvante en périphérie de votre regard! Mon nom?... Montgomery... Lucy Montgomery!

 
 Pas à ma connaissance, sauf si une grande capacité d’adaptation et de la réactivité en sont un.

 
Je prends une grande inspiration. Je n'ai jamais aimé les rendez-vous semestriels afin de faire le point sur les situations des agents. Situations physique et émotionnelle ainsi que récapitulatif des actions menées les derniers mois. Et aujourd'hui, c'est tombé sur moi. Je ne devrais pas être étonnée mais c'est ainsi et c'est tout. Je n'aime pas ça. Je n'aime pas particulièrement parler de moi, surtout qu'on répète à chaque fois le même charabia.

La porte du bureau en face de moi s'ouvre et une femme en sort.

"Lady Montgomery?"

Je me lève et je m'approche. Cela me fait toujours bizarre qu'on m'appelle par mon titre au travail. Alors certes, je suis Lady Montgomery, duchesse de Salisbury, mais j'ai toujours tendance à préférer qu'on m'appelle Lucy. Ou à la rigueur madame Montgomery. Mais cela m'est interdit dès qu'on connait mon rang. Une duchesse au sein de la noblesse britannique se trouve juste en dessous des princesses de sang. Je devrai donc subir cela jusqu'à la fin de mes jours. Vous comprendrez pourquoi cela me plait tant quand je porte des noms d'emprunt dans mon métier. Cela m'amuse autant que cela me donne à respirer.

J'entre dans le bureau et lui serre la main. La femme blonde se trouvant en face de moi est une nouvelle recrue. Je ne l'ai encore jamais vue. Elle semble m'inspecter avant même que je me sois installée devant elle.

Je m'assois avec élégance, bien droite tel on me l'a enseignée depuis mon jeune âge et elle prend également place à son bureau, toujours en me scrutant avec une vigilance accrue et prévenante à la fois. Je n'aime pas être ainsi observée, mais je n'ai pas la sensation d'être pour autant jugée.

La jeune femme ouvre un dossier devant elle. Pas d'ordinateur sur son bureau, c'est la première chose que je remarque. Elle n'a pas l'air d'avoir besoin de ce genre de matériel. Cela m'en apprend beaucoup sur elle. Mais surement pas autant qu'elle en sait déjà sur moi.

J'attends qu'elle reprenne la parole, normalement, c'est à l'examinateur d'initier la discussion. Mais elle ne dit rien. J'attends une minute, une deuxième, toujours pas un mot. Elle semble attendre... Mais quoi? Que j'engage le dialogue? Ce n'est pas dans la procédure, elle doit pertinemment le savoir. Elle doit aussi savoir que je ne suis pas de celle qui suit bêtement les procédures, justement! Elle sait que je suis de celles qui prennent les devants quand cela est nécessaire, que ce soit pour sauver leur vie ou pour... Briser un silence trop pesant, comme à cet instant.

"Cela fait longtemps que vous travaillez pour le bureau?!"

Je ne lui demande pas si elle est nouvelle ici. Je fais en sorte de ne jamais exposer des évidences. Cela n'avance jamais à rien. Par contre, savoir si elle est là depuis une semaine ou six mois, ça change tout. Elle en connaîtra beaucoup plus sur les fonctionnement et les arcanes profondes du MI6 si elle est là depuis plusieurs mois.

"Six semaines." Réponds-elle simplement avec un sourire laissant transparaître le fait que ma question lui en apprend beaucoup plus sur moi que cela ne m'en apprend sur elle. D'ailleurs, six semaines, c'est tout à la fois assez pour commencer à comprendre son environnement et encore trop peu pour en analyser tous les rouages. Mais quelque chose me dit que, comme moi, cette fille est très éloignée des protocoles habituels.

Elle prend alors mon dossier dans ses mains.

"Lady Montgomery... Duchesse de Salisbury. 29 ans dont 7 passés aux services secrets de sa Majesté. 22 ans! C'est très jeune pour intégrer le bureau. Même avec des talents tels que les vôtres."

Ça y est, elle a enfin prit la parole. Et même si, contrairement à moi, c'est apparemment pour énoncer des banalités, je sens que le sens profond de ses mots va au-delà de ce qu'elle vient de dire.

"En effet!" Dis-je avec cependant une touche de fierté dans la voix. Je suis heureuse et fière d'être à la hauteur de ce qu'on peut attendre d'un agent confirmé. Même si je fais à l'évidence souvent bouillir le sang, pour ne pas dire que je terrifie, mes patrons guindés et enfermés dans leur obligations autant que dans leur costumes trop serrés.

"De nombreuses missions réussies cette année... 8 menées parfaitement à bien et 2 avec quelques dégâts en arrière plan mais avec des informations primordiales récupérées en fin de compte. Je pourrais vous féliciter..."

J'incline la tête en signe de remerciement et de respect.

"Mais nous ne sommes pas ici pour cela n'est-ce pas?!"

J'écarquille un peu plus les yeux mais ne laisse pas transparaître quoi que ce soit de plus. Je ne doute pas qu'elle ait remarquée ma réaction cependant. Normalement, nous sommes ici pour échanger sur ces missions et savoir comment je me sens après six mois de courses effrénées, de missions parfois dangereuses... Mais dans son ton, quelque chose me laisse à penser qu'elle n'est pas forcément là pour échanger sur des sujets aussi "barbants". Oh oui moi aussi je les trouve barbants.

"J'aimerais que vous me racontiez votre histoire!" Dis-t-elle d'un ton direct qui ne laisse pas place au désaccord. Je ne dis cependant rien. Je n'ai pas envie de faire cela et puis elle a toutes les informations me concernant, là, dans le bout de papier sur lequel tapotent ses doigts.

"S'il vous plait! Reprend-t-elle. Vous savez à quel point ces dossiers sont incomplets et... Qu'ils ne transcrivent rien de ce qu'est une personne. Lieu et date de naissance, taille, poids et même bulletin de santé... Ça ne dit rien de celle que vous êtes, n'est-ce pas?!"

Pour le coup, je suis d'accord. Bon... Bien que je n'ai pas envie, je m’exécute donc. Parce qu'il faut bien le dire, on ne fait pas toujours ce qu'on aime dans la vie.

"Eh bien... On va commencer par le commencement, même si ce n'est pas le plus intéressant. Je suis née dans le domaine familial, à quelques kilomètres du très connu Stonehenge. Mes parents ne sont pas parvenus à avoir un second enfant bien que cela les auraient ravi et moi aussi. Je suis donc fille unique, même si j'ai eu beaucoup d'amis dans mon enfance, tous de mon "rang"- je marque le mot rang de guillemets avec les doigts. J'ai connu une enfance on ne peu plus normale, tranquille et heureuse, autant qu'une enfance puisse être normale quand on se rend régulièrement à Buckingham Palace et qu'on a pour bons amis les petits enfants de la Reine."

Je souris d'un air entendu à la femme face à moi avant de reprendre.

"J'ai suivi une scolarité normale... Encore une fois, autant qu'elle puisse être normale quand on a des percepteurs jusqu'à l'âge de 9 ans. Puis je suis allée dans l'une des meilleure école privée du pays. J'ai découvert une véritable passion pour l'histoire, la géographie et la sociologie. La littérature est aussi quelque chose que j'ai toujours apprécié. Et j'aime me plonger autant dans un grand classique de Jane Austin, Lewis Carroll ou Dickens que le dernier roman à la mode. J'apprécie l'art en général en fin de compte, la sculpture, la peinture, l'architecture... Et cela m'est étonnement très utile durant mes missions."

Je prend un instant avant de continuer...

"J'ai toujours été très sportive aussi... J'ai même intégré l'équipe des J.O. en escrime où j'ai décroché la médaille d'argent. Je suis aussi une cavalière émérite mais ça, c'est une obligation dut à mon rang, n'en doutez pas! Même si j'aime les chevaux, ça c'est évident! J'ai aussi participé à de nombreuses chasses à cour, bien obligée... Même si cela n'a jamais été ma passion, bien au contraire. Mais encore une fois, on ne fait pas toujours ce qu'on aime et mon rang m'impose des obligations autant que des responsabilités."

La demoiselle incline sa tête en signe de compréhension.

"Après... Oxford! J'ai décroché mon diplôme en sociologie à 22 ans..."

"Et vous êtes entrée à notre service la même année..."Lance-t-elle avant que je ne développe et je la sens dans l'attente. Elle attend que j'aborde un sujet dont je n'ai pas envie. Mais je ne vais pas y couper c'est évident.

"Oui. Et pour ne pas tourner autour du pot... Oui, cela a à voir avec la mort de mes parents."

Je la vois esquisser un sourire triste mais je vois aussi que c'est bien là où elle voulait en venir.

"Ils sont morts dans un accident de voiture, n'est-ce pas?" Demande-t-elle. Même si je sais parfaitement que ce n'est pas une question, qu'elle est purement rhétorique. Et pourtant... Je ne peux m'empêcher de rétorquer...

"Ils ont été assassinés!"

Et elle ne semble étonnement pas choquée par ce que je viens de lui lancer en pleine figure. Même si je n'en ai jamais eu la preuve, je sais que c'est ce qui s'est passé. Et c'est mon enquête dans le but de découvrir ce qui était arriver et prouver que cela avait à voir avec le pouvoir qui m'a mené jusqu'au bureau du MI6 et qu'on m'a fait proposition d'intégrer les services secrets.

"Vous êtes bien sure de vous, Milady."

Je ne relève pas la réflexion. Je sais ce qui s'est passé, point. Et si je n'avais pas été en retard à cause d'un incident à bord du train qui me ramenait au manoir après ma dernière année à Oxford, j'aurais surement été à bord du véhicule qui a prit la vie à Père, Mère, leur bonne amie Marie et leur chauffeur.

"Ce triste événement vous a rendu plus déterminée et forte que jamais n'est-ce pas?!"

Je la regarde avec un réel étonnement. Depuis mes 22 ans, on m'a davantage démontrée de la compassion, on a exprimé maintes fois des condoléances qu'on me présente même encore aujourd'hui alors que cela fait déjà 7 ans. Je dois cependant reconnaître que la jeune femme a raison. Ce drame m'a rendue plus volontaire que jamais, empreinte d'une détermination sans faille et pleine d'une énergie nouvelle. Encore aujourd'hui, je suis sans cesse à la recherche de ce qui a pu se passer...

"Et vous continuez votre rôle de duchesse..." Reprend la jeune femme blonde avant que je ne parle à mon tour. Rôle?! Cela n'a rien d'un rôle, c'est ma nature, ce que j'ai toujours été, c'est en moi comme le sang de mes parents qui coule en moi.

"Evidemment! Dis-je en me redressant. Je suis l'unique héritière et je ne saurais déshonorer mon rang. Je suis garante de bien des devoirs."

"Et vous parvenez à jongler entre vos missions parfois à l'autre bout du monde et vos devoirs si importants en tant que Duchesse de Salisbury."

"En effet!" Dis-je en m’inclinant.

"Vous méritez mes félicitation, Milady!"

Je lui souris. Je n'avais pas eu envie d'entrer dans cette pièce avec elle, ni de discuter pendant de longues minutes de moi... De tout ce qui a rendu ma vie si belle et difficile à la fois. Pourtant, je devais reconnaître que cette femme n'était pas comme les autres que j'avais pu croiser au fil de mes sept années ici. Elle savait percevoir que je possédais les qualités de mes défauts, comme disait parfois Maman. Têtue, tête brûlée parfois, un peu indisciplinée pour une dame de haut rang. Oui, mais aussi déterminée, forte, instinctive et réactive. De plus, mon statut de Duchesse m'avait souvent permis d'effectuer à bien des missions.

"Et si je vous demandais d'ajouter un niveau à ces obligations... Seriez-vous capable d'y faire face?!"

Je la regarde sans broncher, attendant qu'elle en dise plus. Surement va-elle me proposer une mission plus dangereuse. Peut-être un avancement... Je n'ai pas le permis de tuer, je ne le désire pas, mais je sais que je serais capable d'en découvrir davantage sur la mort de mes parents en atteignant le niveau double zéro.

"Il existe un secteur dont peu de gens sont au courant même au sein du MI6, Milady!"

Je secoue la tête en lui exprimant que je ne comprends pas.

"Un secteur où les missions se passent dans l'ombre. Où les dossiers demeurent secrets même pour les services secrets. Où le danger est omniprésent. Où le mystère nimbe le tout d'une aura de... Magie..."

"Quoi?!"

Je relève la tête et me penche de manière peu convenable vers le bureau.

"Oui... De magie..."

Je ris ouvertement.

"C'est un test... Vous voulez voir comment je vais réagir face à une telle révélation improbable, c'est ça?!"

"Pensez ce que vous voulez, Lady Lucy."

Et l'espace d'un instant, la femme en face de moi, aux yeux bleus si profonds, affiche un regard rouge sang. Cela disparaît aussi rapidement que c'est venu. Je recule dans mon siège. J'ai déjà vu bon nombre de choses incroyables mais là... A moins qu'il ne s'agisse de lentilles d'un nouvel ordre, j'ai déjà vu des choses impensable mais que la science a su expliquer. Pourtant, je n'ose y croire... J'ai presque, je dis bien presque, envie de croire à cette magie qu'elle vient de mentionner. Cela ne me ressemble pas...

"Cela pourrait vous permettre de découvrir les raisons de la mort de vos parents..." Lance-t-elle soudain.

Je me lève presque quand elle mentionne cela.

"Et ce n'est pas comme si vous n'aviez pas déjà touché du doigt l'étrangeté de ce monde..."

"Quoi? Que... Que vous voulez dire par là?"


"Freyja Stevenson, cela vous dit quelque chose!"

"Evidemment!"

Elle n'a pas posé une question. Car elle sait pertinemment bien que je la connais. C'est une de mes meilleures amies, pour ne pas dire la meilleure, en dehors du cercle restreint à sein duquel j'ai grandi. Je l'ai rencontré lors d'un sommet à l'ONU il y a quelques années. Notre amitié se vit certes de manière assez éloignée compte tenu de nos emplois du temps. Mais elle demeure un repère dans ma vie, tout comme sa fille que j'adore. Et je découvre qu'elle trempe dans un monde terriblement éloigné du mien.

"Posez lui des questions quand vous la verrez... Et réfléchissez à ma proposition... "

"J'accepte!" Dis-je soudain, comme portée par une intuition soudaine. J'ai cependant toujours pu croire en mes intuitions! En mes intuitions, mais dans la magie?! Je hausse furtivement les épaules. Je sais que là est mon avenir. Je sais juste que je vais devoir avoir une grosse discussion avec mon amie Freyja et que je mets à l'évidence les pieds dans un monde dont je ne sais rien.

C'est en me levant et en saluant la jeune femme avant de quitter son bureau comme si de rien n'était que je me rends compte... Je ne connais même pas son nom, la femme ne s'est même pas présentée!